Le travail, sublimé par l’art.

23/06/22 | Actualité

le travail sublimé par l'art

Le travail est une thématique chère à mon cœur, comme l’art peut l’être. Passionnée par mon métier, et au gré de mes rencontres professionnelles, ma vision du travail se transforme et évolue. Il en est de même pour l’art. Au fur et à mesure de mes découvertes et rencontres, ma vision de l’art se transforme et évolue. Il est donc intéressant pour moi de vous écrire sur mes deux sujets de prédilection : le travail, sublimé par l’art. L’art permet une expression du travail, soit dans la dureté soit dans l’allégorie. L’art permet de tout sublimer. Il peut donc sublimer le travail dans ses aspects les plus noirs.

Je partage avec vous dans cet article des films, livres, photographies et musiques, expressions artistiques qui subliment le travail. L’art enrichit ma perception des mondes du travail. Il me permet de me ressourcer et de m’apaiser.

Le travail sublimé par l’art du cinéma.

Comme beaucoup, j’aime aller au cinéma et découvrir sur grand écran des histoires, des paysages, mais surtout des vies. Certains de ces films m’ont plus marquée que d’autres et ont réussi à sublimer le monde du travail, ou révéler sa dureté.

« Un autre Monde  » : une vision du monde du travail.

Un autre monde

Ce film sorti fin février est une pépite. Stéphane Brizé, réalisateur et scénariste rennais, habitué aux films engagés a fait appel une nouvelle fois à Vincent Lindon. Ce film déconstruit les mécanismes de l’ultralibéralisme. Stéphane Brizé aurait été inspiré par les témoignages de managers en burn-out. Et ça se ressent. Fort, vrai et sensible, ce film relate une vision du travail.

Un directeur d’usine prit en étau : obéir à l’ordre, venu du siège, de supprimer des emplois et en même temps, de tenter de faire tenir son équipe. Il se rend compte qu’il perd son âme et son libre-arbitre. Ce film démontre, que même au plus haut degré d’une hiérarchie, les responsables peuvent être pris en étau avec des injonctions contradictoires. Cela casse des entreprises, mais aussi de bons chefs. On comprend également comment dans ce système-là, le manager s’isole, il s’éloigne de ses alliés, et ainsi bascule dans le burn-out.

« Philippe Lemesle et sa femme se séparent, un amour abîmé par la pression du travail. Cadre performant dans un groupe industriel, Philippe ne sait plus répondre aux injonctions incohérentes de sa direction. On le voulait hier dirigeant, on le veut aujourd’hui exécutant. Il est à l’instant où il lui faut décider du sens de sa vie. »

Cinéma L’arvor

Thierry est joué par Vincent Lindon. Ce film relate la vie d’un homme, mais surtout l’organisation de la société. La vie d’un homme prêt à accepter n’importe quel travail, et qui est confronté à un dilemme moral. Ce film soulève la place d’un homme dans le monde du travail, la place d’un homme dans le système.

Sublimé par ses acteurs, Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Anthony Bajon, Marie Drucker, Guillaume Oraux, ce film est l’histoire dure mais réaliste, d’un manager qui bascule dans le burn out.

Les 2 Alfreds


Les 2 Alfred est un film qui parle de la « start-up nation », ou du moins une vision des travers de cette « start-up nation ». Les personnages de Sandrine Kiberlain et de Denis Podalydès cachent qu’ils ont des enfants. Incroyable… Créativité et stratagèmes sont au programme pour cacher au mieux qui ils sont vraiment auprès de leur patron et équipe. Les dérives, les abus, les travers de ces entreprises « tendance » sont passés au crible. Mais parfois, même si le collectif sait se montrer cinglant, il peut aussi faire preuve de grande solidarité !

Dans cette histoire, l’Homme est relégué au second plan. L’Homme doit s’adapter à la machine… C’est pour moi, l’envers du décor de la start-up nation : sombre et sans respect de l’individu. Le petit rayon de lumière de l’histoire est le personnage de Bruno Podalydès, qui fait preuve d’agilité et de malice. C’est le pendant du patron de la start-up. Tout le monde est un loup pour tout le monde. Parodie du réel ? Peut-être plus réel que parodie.

Alexandre a deux mois pour prouver à sa femme qu’il peut s’occuper de ses deux enfants et trouver un boulot qui lui permette d’être autonome financièrement… Le jour où il décroche un entretien d’embauche est aussi celui de sa rencontre avec Arcimboldo, « entrepreneur de lui-même ». Cet énergumène atypique, visiblement très à l’aise avec les nouvelles technologies et le langage « start-up nation », tombe à point nommé alors que le poste pour lequel postule Alexandre est aussi énigmatique que l’activité de l’entreprise recruteuse, dont le nom reste néanmoins évocateur : The box. Problème majeur, The box a un mot d’ordre : « pas d’enfant ! ». Alexandre va devoir rivaliser d’inventivité pour maintenir secrète sa vie de famille tout en faisant ses preuves au sein de sa nouvelle boîte…

American cosmograph

Le monde du travail au coeur de la littérature.

La littérature n’est pas en reste pour illustrer, sublimer ou démystifier le monde du travail. Bon nombre de livres traitent du monde du travail. Plusieurs me viennent instinctivement en tête, « L’Assommoir » de Emile Zola en passant par « Les heures souterraines » de Delphine de Vigan, qui traite du harcèlement au travail et du burn out.

« Les tribulations d’une caissière ».

 » Les tribulations d’une caissière  » d’Anna Sam, qui traitent de ces personnes dont le métier ponctue notre quotidien. Ces personnes sont parfois invisibles, mal considérées. Tout métier mérite le respect et se livre le rappel. Un des extraits qui m’a marqué :

Alors si vous entendez une mère dire à son enfant en vous pointant du doigt : « Tu vois chéri, si tu ne travailles pas bien à l’école, tu deviendras caissière, comme la dame », rien ne vous interdit d’expliquer que ce n’est un sot métier, que vous ne voulez pas rester au chômage et que vous avez même fait des études brillantes (Un bac + 5 ? Tout ça?).
Sinon, ne vous étonnez pas si après les enfants vous manquent de respect ou vous voient comme une ratée…
J’ai un scoop pour toutes ces personnes bien-pensantes : il est loin le temps où avoir fait des études conduit à un emploi de rêve. Aujourd’hui, les diplômés universitaires occupent aussi bien souvent des petits boulots.
Merci, chers parents clients, de vous servir de nous comme épouvantail pour élever vos enfants !

Les tribulations d’une caissière, Anna Sam

La littérature pour mettre en lumière ce qui fait que nous sommes des humains.

Il y a aussi des livres qui me permettent d’améliorer mon mode de pensées, pour mieux comprendre certaines personnes que j’accompagne. C’est le cas du livre de Florence Aubenas « Quai Ouistreham ».

On y parle précarité, générosité, solidarité. Car oui, c’est l’humain qui fait tenir dans des métiers dévalorisés. C’est ça qui fait tenir dans ces boulots mal payés et mal considérés. C’est tout l’intérêt de ces livres sur l’envers du décor, sur le monde du travail en lui-même. Ils permettent de remettre en lumière ce qui fait que nous sommes des humains.

« À la ligne ».

Le livre de Joseph Pontus, « À la ligne, Feuillets d’usine » m’a aussi particulièrement marquée, et appris sur le monde du travail. L’exercice littéraire est extraordinaire. Parler d’un travail aliénant, abrutissant et en faire de la Poésie. Un vrai chef d’œuvre.

À la ligne est le premier roman de Joseph Ponthus. C’est l’histoire d’un ouvrier intérimaire qui embauche dans les conserveries de poissons et les abattoirs bretons. Jour après jour, il inventorie avec une infinie précision les gestes du travail à la ligne, le bruit, la fatigue, les rêves confisqués dans la répétition de rituels épuisants, la souffrance du corps. Ce qui le sauve, c’est qu’il a eu une autre vie. Il connaît les auteurs latins, il a vibré avec Dumas, il sait les poèmes d’Apollinaire et les chansons de Trenet. C’est sa victoire provisoire contre tout ce qui fait mal, tout ce qui aliène. Et, en allant à la ligne, on trouvera dans les blancs du texte la femme aimée, le bonheur dominical, le chien Pok Pok, l’odeur de la mer. 
Par la magie d’une écriture tour à tour distanciée, coléreuse, drôle, fraternelle, la vie ouvrière devient une odyssée où Ulysse combat des carcasses de bœufs et des tonnes de bulots comme autant de cyclopes.

À la ligne, Joseph Pontus

Le monde du travail, à travers les yeux de photographe

Quand on pense à un art qui sublime, on pense aussi à la photographie. Cet art si subtil, créé au bon moment, au bon endroit, avec les bonnes personnes. J’apprécie le travail silencieux et puissant du ou de la photographe. C’est la découverte du travail du photojournaliste brésilien Sebastiao Salgado qui m’a initié. Photographier le travail, c’est ennoblir un métier. Rendre le métier puissant et noble.


Vivien Maier fait partie de ces photographes que j’apprécie, qui subliment les travailleurs et travailleuses.

March 1954. New York, NY, Vivian Maier Le travail sublimé par l’art de la photographie.

J’apprécie aussi beaucoup la vision du photographe Stephane Lavoué, qui a su dépeindre l’univers des travailleurs et travailleuses du port. Il a su sublimer ces travailleurs, presque de manière christique. Cela redonne une valeur à ces personnes et leurs métiers.

Le travail sublimé par la photographie, ou, comment une réalité poisseuse ou sale peut devenir un chef d’oeuvre par la sensibilité d’un artiste.

Photographie Stéphane Lavoué
Photo de Stéphane Lavoué . Le travail sublimé par l’art de la photographie.

La puissance de ses photos est impressionnante. En un cliché, on ressent toute l’humanité de ces travailleurs et travailleuses. Ses photos anoblissent leur travail si dur et dévalorisé. Certains portraits sont proches de ceux de Le Caravage.

Le travail sublimé par l’art, en musique !


« Les mains d’or« , Bernard Lavillier et « Monsieur René » de Bénabar.

Issu d’une famille d’ouvrier, Bernard Lavillier, par sa sensibilité et son talent, a fait briller les ouvriers et le travail manuel. Après le gâchis de la désindustrialisation française, il leur a donné de la dignité.

Bénabar l’air de rien, a un œil incisif. Il voit toutes ces choses. Cette chanson décrit comment un homme qui a donné sa vie au travail, est jeté. On se débarasse de lui comme une veille paire de chaussures : avec un simple pot de départ à la retraite. Le pot de départ était un rituel, un acte de passage. Maintenant, c’est un rituel vidé de son sens. Comment faire le deuil de sa vie professionnelle avec si peu de sens ? Accompagner au départ à la retraite est aussi une étape à ne pas négliger dans le monde du travail.

« Bonne retraite » en sucre plie et casse sous le couteau 

Monsieur René s’en va, on fait un pot. 

Bénabar

On passe à côté de ce moment qui est comme un grand saut dans le vide… Grand saut dans le vide quand tu signes ton premier contrat. Grand saut dans le vide quand tu es à la retraite.

Toutes ses oeuvres d’art me permettent de mieux comprendre les gens que j’accompagne. Cela permet de rendre plus accessible la réalité. La réalité des vrais gens !